Usages et tradition.
On
a tué le cochon :
Ce sont ceux que l'on trouve encore dans les fermes environnantes qui ont gardé la vieille et bonne tradition d'élever des porcs pour leur utilisation personnelle ou pour quelques
amis.
Dans la période d'après guerre, bon nombre de Sigonciers élevaient eux aussi leur cochon ; témoins, les nombreuses auges en grès que l'on trouve encore dans les écuries des vieilles maisons d'habitation.
Au village, il n'y avait pas de problème pour l'abattage des porcs et la confection de la charcuterie, car :
MM. Francis Blanc, Clément Dépieds, Adolphe Pardigon, Camille Rousseau, Francis Pardigon et enfin André Clément qui se sont succédés dans cette tâche, étaient des spécialistes en la matière.
Ces élevages individuels ont disparu depuis longtemps déjà, mais nos amis agriculteurs sont toujours là pour nous vendre un bon jambon qu'ils ont salé, conditionné et conservé comme autrefois, ou nous céder un demi cochon qui nous sera très profitable tout au long de l'année grâce au congélateur.
La saison d'abattage a commencé aux alentours et la bonne viande de porc existe encore, mais il s'agit seulement de la trouver.
Organisation du travail selon l'usage.
Le cochon était mis dans le "naoù" (échaudoir) où il allait être ébouillanté, et les raclettes à poils allaient entrer en action.
La chasse
d’hier ... et d’aujourd’hui :
Notre petit village de Sigonce a connu de beaux jours en matière de chasse. Le gibier était nombreux et varié autrefois sur la commune. En se promenant en colline ou dans la campagne, on pouvait rencontrer des perdreaux, quelques lièvres, quelques bécasses,
des lapins à "gogo" (en abondance) des pigeons favards et en fin d’automne et en période hivernale des vols de grives impressionnants.
Au pire avons-nous vu passer un sanglier dans le lointain.
À ce moment là c’était une denrée assez rare contrairement à aujourd’hui.
Celui qui n’avait pas tué ses 20 lapins le jour de l’ouverture était un piètre chasseur car il y en avait de partout. Ils venaient pratiquement à l’entrée du village, autour de l’église, à la Bambou route de Forcalquier ou dans le terrain sous la villa Lebré qui jouxte la place à l'époque devant la mairie.
Incroyable mais vrai !!!
Les butes et les flancs des collines étaient truffés de terriers.
Tout juste si ces nombreux lapins se sauvaient-ils à notre approche !!!
Juste après la guerre, période où la chasse était redevenue possible (car les fusils de chasse avaient été retirés par la Sous-préfecture en 1941 et rendus après la guerre), il était très difficile de trouver des cartouches, aussi nos passionnés chasseurs fabriquaient-ils artisanalement leurs cartouches à l’aide de douilles vides récupérées après le tir ou avec quelques unes trouvées abandonnées dans la campagne qu’ils récupéraient sans scrupules.
Pour ce faire, ils extrayaient l’amorce percutée à l’aide d’un pointeau et en remettaient une neuve, ils mettaient une certaine quantité de poudre noire, puis une "bourre" (genre de bouchon en feutre d’environ 1 cm d’épaisseur) les plombs au calibre voulu, puis un petit carton rond qui épousait le diamètre intérieur de la douille. La partie cartonnée était enfin obturée à l’aide d’un petit sertisseur fixé à un coin de table par exemple. Un petit tour de manivelle et la cartouche était opérationnelle.
Un sertisseur à manivelle.
Pas facile aussi de trouver des amorces, certains se débrouillaient comme ils pouvaient et les faisaient venir clandestinement d'Italie où elles étaient en vente libre chez les armuriers. La douane était très sévère et c’était très risqué de se faire prendre. À cette époque il y avait la fouille au corps.
Pour d'autres qui redoublaient d'ingéniosité tel
M. André Applanat et qui voulaient s'en procurer coûte que coûte tous les moyens possibles étaient bons. Il lui restait une assez grande quantité de bouchons qui étaient utilisés avec les petits pistolets.
Il trempait les dits bouchons dans de l'eau et il décollait le fulminate de mercure qui s'y
trouvait. Il remplissait les amorces usagées avec ce produit, laissait durcir et les amorces
étaient à nouveau prêtes à l'emploi.
Le fulminate de mercure est un agent explosif employé dans les amorces, détonateurs… très sensibles aux chocs et frottements donc dangereux à manipuler et très toxique par la présence de mercure.
C’était aussi le système débrouille !!!
Cette douille servait plusieurs fois jusqu’à ce qu’elle soit abîmée par les percussions successives.
Matériel qu’utilisaient les anciens pour faire leurs cartouches.
1 sertisseur à manivelle.
1 appareil déjà sophistiqué pour enlever et mettre les amorces.
2 petits doseurs à manche pour la poudre et les plombs (gradués pour selon le calibre : 12,16, 20 ...).
3 sacs de plombs à l’époque en provenance : de Manufrance à St Etienne (Loire); de Faure à Forcalquier (Basses-Alpes); de Donnadieu à Digne (Basses-Alpes).
Des bourres en liège et en feutre.
Cartons ronds numérotés ou pas (qu’on marquait à la main en cas) selon le calibre pour terminer la confection de la cartouche.
1 flacon de poudre noire (qui provoquait une énorme fumée après la percussion) et un flacon de poudre T qui ne fumait pas.
Boites d’amorces de grosseurs différentes selon la cartouche en provenance autrefois de Manufrance et de Léon Beaux (Italie).
Et sur le présentoir : Cartouches de différents modèles en provenance de Manufrance et Verney Carron et des cartouches à broche (amorce sur le côté).
Matériel mis à disposition par M. Gilbert Blanc.
Ces lapins tués étant si nombreux qu'il s’en vendait quelques uns au village (je me souviens environ 1,10 Franc/pièce à l’époque) sinon le lundi certains les emmenaient à Forcalquier où se tenait le marché des volailles, lapins, lièvres, grives... et les exposaient à la vente. Tous ces produits étaient vendus "au cours de la mercuriale" prix qui variaient peu de semaine en semaine et qu’on retrouvait dans la presse tous les mardis sous le titre : "mercuriale du lundi". Les habitants du village achetaient eux aussi les œufs et leur gibier au prix mentionné dans la presse.
Lorsque les chasseurs parcouraient la campagne avec leurs chiens on disait qu’ils
chassaient à "l’avant" comme aujourd’hui je pense.
Aux alentours de 1950, hélas, patatras...
La myxomatose qui sévissait déjà en Australie puis en Angleterre arrive en France.
Tous nos lapins sont contaminés et peu à peu disparaissent. Il a fallu se rabattre sur le gibier restant plus difficile à débusquer et à abattre. La chasse étant un sport au grand air par excellence nos chasseurs n’ont pas rechigné à faire de la marche à travers nos belles collines.
À l’époque tout un chacun avait un permis blanc délivré par la mairie. De plus, il fallait une assurance chasse et le timbre vignette de la Fédération délivré par le Crédit Agricole tout près de chez nous.
Certains assureurs de Forcalquier comme messieurs Lamour ou Robert venaient en mairie et proposaient une assurance chasse aux personnes intéressées, leur évitant ainsi de se déplacer pour se procurer celle-ci.
En arrivant à Sigonce, Mme Éliane Masse, secrétaire de mairie, en avait facilité les démarches. Elle établissait le permis, délivrait l’assurance et le timbre du Crédit Agricole pour qui en faisait la demande.
Pas de permis à passer, il suffisait d’avoir 16 ans.
À l’époque seule une femme prenait son permis à Sigonce. Il s’agissait de Mme Fernande Boivin propriétaire de la campagne St Jean (actuellement Laurence Marzec/Proust) qui l’utilisait non pour chasser au fusil mais pour confectionner "des lèques" pour attraper les grives qu’elle amenait ensuite au marché le lundi afin de les vendre. Ce ne sont pas 10 lèques qu’elle "montait" mais plus de 200 sur sa propriété.
Lèque, piège se composant d'une pierre plate maintenue en équilibre par 4 petits bâtonnets qui placés ingénieusement se désolidarisaient lorsque la grive se posait sur l'un d'eux pour atteindre l'appât déposé dans le trou. La pierre qui n'avait plus de support tombait et faisait son office de piège. La grive se retrouvait prisonnière dans la cavité et mourrait étouffée.
Exemple de Lèque avec 3 grives qui vont tenter de prendre les baies de genièvre sous la lauze qui les menace.
Dans la petite cage on peut apercevoir un appelant.
Ce montage, nous explique la réalisation du piège.
De son côté Francis Pardigon qui demeurait rue du château (actuelle maison Françoise Deville) avait aussi cette passion pour les lèques mais c’était surtout pour son plaisir et la consommation familiale et amicale. Il les installait sur son terrain des "Cerdes" à 1km du village route de Forcalquier. Il attirait les grives par des baies violettes de genièvre qu’il cueillait en cours de route sur les genévriers environnants.
Évolution de l'obtention du permis.
Aujourd’hui ce ne serait plus pareil car il faut vraiment passer son permis de chasse et ce depuis 1976 complété par les épreuves pratiques en 2003 puis réformé en 2014. C’est l'Office National de la chasse et de la faune sauvage qui convoque le candidat à l’examen.
D'autres pratiques...
À l’époque où il y avait beaucoup de gibier particulièrement des lapins certains pratiquaient une chasse un peu marginale en plus du fusil. Ils posaient des collets (nœuds coulants en fil métallique) à l’entrée des terriers et le lapin se retrouvait pris au cou lorsqu’il sortait de sa tanière ou bien ils utilisaient aussi le furet qui rentrait dans les terriers et faisait sortir le lapin. Ce furet avait un collier autour du cou avec un tout petit grelot qui servait à avertir le chasseur qu'il ressortait du terrier derrière le lapin qui allait gicler à l'air libre...
Nous avons connu quelques bons chasseurs tels Jean Lovera, Charles Alexanian, Paul Curnier, Ferdinand Scuitti et bien d’autres encore qui étaient continuellement sur le terrain et qui revenaient rarement bredouilles.
La chasse à la grive était aussi leur passion. En plein hiver nous les voyions partir le matin avec plusieurs petites cages d’appelants sur leur dos et
le fusil en bandoulière. Ils allaient au poste à grives et y restaient plusieurs heures. Certains avaient même installé un petit poêle à l’intérieur car il faisait très froid.
Les appelants attiraient les grives qui venaient se poser sur les arbres tout près du poste et le chasseur à l’affût les abattait, parfois plusieurs à la fois.
Le territoire de chasse était assez grand sur notre commune mais au fil du temps la Sté de chasse la
St Hubert a perdu quelques étendues giboyeuses comme celles des campagnes d’Aris et de Pré Giraud qui sont devenues des chasses
privées.
Signification des panneaux rencontrés sur la commune de Sigonce.
Pour les chasseurs locaux ou invités ces 2 panneaux signalent une interdiction.
SAINT-HUBERT ARIS PRÉ GIRAUD CHASSE GARDÉE
RÉSERVE DE CHASSE
CHASSE GARDÉE :
Vous abordez une propriété privée, gardée aussi et il est inutile de s'y aventurer.
RÉSERVE DE CHASSE :
Réserve de chasse ou propriété des animaux. Ils peuvent s'y reposer sans crainte et se reproduire en paix donc ne pas franchir la ligne et respecter ce territoire privilégié.
Panneau de la société de chasse de Sigonce.
Lorsque vous rencontrez ce panneau vous êtes sur le territoire de la Ste
de CHASSE St HUBERT SIGONCE.
Malgré tout la chasse continue, le gibier est assez rare sauf pour les sangliers. Des lâchers de faisans, perdreaux et lièvres sont faits périodiquement par la société afin d’aider à la reproduction et pour entretenir les plaisirs cynégétiques de nos chasseurs locaux. Depuis plusieurs années une vingtaine d’entre eux se rassemble les samedis et dimanches matins pour des battues de sangliers qui dévastent nos campagnes depuis assez longtemps déjà !!!
Nous remercions M. Gilbert Blanc, campagne du Vivier à Sigonce, pour son aide apportée, explicative et matérielle, dans la réalisation de cet article.
Émile Portigliatti
Usages et tradition.
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