Sigonce ... Quelques souvenirs et anecdotes de jeunesse.
Dans les années 40, pendant la guerre et juste après, M. et Mme Poggi étaient venus habiter à Sigonce pour une raison bien
précise. M. Poggi qui ne voulait pas partir en Allemagne s'était fait embaucher à la mine de charbon, ce qui lui permettait d'échapper à cette obligation.
À l'origine ils habitaient Marseille où il y était scaphandrier, fonction qu'il a reprise sitôt les hostilités terminées.
La famille Poggi habitait à la placette dans une maison qui appartenait à l'époque à Mme Irène Alexanian.
Depuis 1987, cette maison est la propriété et est occupée par Anne et Holger Schnapp.
Son épouse avait une passion, elle adorait les corbeaux et les pies.
Belle aubaine pour quelques enfants du village qui à l'époque cherchaient les nids de pies et de corbeaux. On disait "qu'ils gâtaient les nids" (regarder ce qu'il y avait à l'intérieur des nids et le prendre). Il y avait dans le nombre deux spécialistes de la voltige (car ils sautaient d'un arbre à l'autre comme les singes) et ils n'avaient peur de rien en s'adonnant à cette passion.
Il s'agissait de Roger Palla et de Roger Giai-Checa.
Combien ont-ils ramenés d'œufs, de pies et de petits corbeaux pris dans le nid ? Nul ne le sait ! Ils allaient directement proposer leur trouvaille à Mme Poggi. Bien sûr ils avaient leur petite récompense.
Qu'en faisait-elle ? En élevait-t-elle ? En donnait-t-elle à des amis à Marseille ?
Quelques personnes disaient qu'elle en apprivoisait certains pour essayer de les faire parler comme les perroquets ??? Nous ne l'avons jamais su car M. et Mme Poggi ont espacé leurs venues à Sigonce puis ne sont plus venus du tout. Les corvidés, famille qui comprend les corneilles, les corbeaux et les pies, sont des oiseaux dotés d'une grande intelligence, peut-être le savait elle ?
Ces deux compères avaient d'autres flèches à leur arc. Ils étaient aussi des spécialistes du tir au lance-pierres. Ils cherchaient une fourche la plus adaptée possible dans leurs arbres familiers et confectionnaient leur lance-pierres avec des lanières élastiques issues de vieilles chambre à air qu'ils récupéraient à la "Forge", garage voisin des frères Espinelly
et le tour était joué.
Si un pigeon ou un autre volatile s'aventurait au bord d'un toit et qu'ils se trouvaient là
et bien l'intrus tombait comme une pierre tant leur tir était précis.
Hormis cette petite passion pour la chasse, ils jouaient avec leurs camarades avec des objets de fortune qui n'étaient pas ceux d'aujourd'hui.
À un certain moment c'était la mode de la "carriole" à roulements que les jeunes confectionnaient
eux-mêmes : une planche un peu
large pour le plancher,
4 petits roulements faisant office de roues et une petite largeur de planche à l'avant, mobile par le centre qui servait de guidon. Et les voila partis à deux sur ce petit véhicule d'occasion vers la route qui longe l'actuel
"City-stade".
Que de culbutes, que de râpages de bras ou de genoux…
Ce n'était rien car on recommençait de plus belle. C'était assez dangereux mais la route était assez sûre car les véhicules qui passaient au quotidien à cette époque se comptaient sur les doigts de la main. De plus ces carrioles étaient assez bruyantes pour les entendre venir.
Comme il y avait toujours un petit génie dans le groupe, Pierrot Dominique par exemple, aidé probablement par Paul son père, avait fabriqué une
carriole avec un volant de voiture, un madrier assez long pour s'asseoir à plusieurs,
ce sera un véhicule multiplaces, et pour compléter le tout 4 gros roulements de 15cm de diamètre environ
pour les roues.
Ce transport en commun était assez sophistiqué mais non moins dangereux.
Sinon à quoi les enfants jouaient-ils à cette époque difficile de l'après guerre ?
Chacun faisait travailler son imagination :
Une jante de vélo sans ses rayons qu'on faisait rouler à l'aide d'une "raclette" en métal confectionnée maison.
L'on jouait aussi au ballon derrière le monument sur l'aire, occupée depuis par les 3 gîtes ruraux.
Le lieu était en pente plus ou moins rocailleux.
Qu'importe nous avions un terrain c'était l'essentiel !!!
Les parties de billes et de boules étaient aussi une grande passion.
Ce n'était pas de grosses boules mais des petites boules en acier de 5 à 6cm de diamètre qui venaient aussi de la mine.
Plus tard ce sera les boules cloutées jaunes et noires que nous prêtaient les patrons des 3 bars à l'époque.
Les parties de cartes étaient aussi en bonne place surtout par jours de mauvais temps. On jouait à bataille et au mistigri, tous assis sur une couverture à même le sol chez un copain dont les parents très compréhensifs acceptaient nos petits rassemblements.
C'était aussi les cabanes confectionnées dans les arbres le long de Barlière, de la source des Sorgues à Fromagetti.
De temps en temps on jouait aux cow-boys ou aux gendarmes et aux voleurs avec des pistolets en bois bien imités que nous confectionnait Robert Bidart qui travaillait à l'atelier de la mine et qui était très adroit de ses mains.
Dans les années 50 on avait de vieux vélos mais les pneus étaient rares voire introuvables. Pas de soucis, on se débrouillait !
À la mine encore il y avait des torons de manches à air comprimé très flexibles qui ne servaient plus. On coupait la longueur voulue et on s'en servait de pneu qu'on enroulait sur le créneau de la jante, maintenu par une broche métallique qui était le plus souvent un fil de fer. Cela tenait un certain temps et un beau jour c'était la culbute car l'attache avait cédé.
Pour certains c'était les baignades et les plongeons au trou du "Constant" à Montlaux
où à la cascade des "Roques" à Lurs, pour d'autres c'était la pêche dans la partie sud de Barlière ou le long du Lauzon.
Il y avait bien d'autres jeux encore qui occupaient nos récréation et nos vacances…
De leur côté les filles jouaient à la poupée, à l'institutrice ou à la marelle.
À notre époque, les jeunes de mon âge n'avaient pas l'esprit à casser ou à voler ou
bien à se faire remarquer pour d'autres méfaits.
On ne parlait pas d'adolescence ou que jeunesse se fasse pour tout excuser.
Au pire volaient-ils 2 ou 3 melons dans un champ ou une poignée de cerises qu'ils dégustaient tous ensemble en rigolant sous les frais ombrages des platanes.
Une anecdote dont beaucoup d'anciens se souviennent.
Cela c'est passé à l'école communale :
Pierrot Dominique et Maurice Robin étaient deux grands perturbateurs et toujours prêts à faire une nouvelle bêtise !
Un jour Pierrot sème le désordre dans la classe. Le maître le punit et l'envoie au piquet, si l'on peut dire, dans le couloir. Pierrot se frotte les mains car il sait que dans quelques minutes Maurice va tout faire pour le rejoindre.
Il faut préciser que pendant longtemps une carabine était suspendue contre le mur du couloir en question.
Entendant du chahut dans la classe, il pense que son ami Maurice va bientôt le rejoindre. Pierrot s'empare de la carabine et attend que la porte s'ouvre canon pointé vers l'éventuel arrivant. Au moment où la porte s'ouvre il crie :
"Halte ! Ici on ne passe pas la frontière..."
Surprise ! Ce n'était pas Maurice mais l'instituteur qui venait lui signifier la fin de la punition.
Je vous laisse imaginer la suite...
Il faut préciser que la carabine en question avait été trouvée dans la cave où il y avait le bois et le charbon de l'école, carabine cachée mais que Maurice le fouineur avait découvert au cours de ses visites pendant ses heures de punitions.
Cette carabine sûrement inoffensive avait été suspendue là et y était restée très longtemps.
À une certaine période il y a eu pas mal d'institutrices suppléantes à l'école de Sigonce. L'une d'elle ne supportant plus Maurice et Pierrot, elle les envoyait systématiquement tous deux au couloir. Belle aubaine !
Tous deux descendent à la cave, traversent la cour de l'école en catimini, sautent dans le jardin de l'instituteur puis dans le champ qui est juste en dessous et les voilà partis à Fromagetti, à 400m de l'école, faire de la glissade sur le lit de la rivière Barlière gelée en partie en hiver.
Une autre fois, le maître excédé par le comportement de Pierrot lui donne 100 lignes à faire. Pas du tout démonté Pierrot dit au maître :
"Cet hiver quand mon grand-père labourera le champ avec la charrue, il vous fera des lignes et des lignes ... tant que vous en voulez".
Et combien d'histoires et d'anecdotes sur ces deux inséparables compères qui faisaient toujours un mauvais coup, pas méchant bien sûr, ce qui prêtait plutôt à rire qu'à blâmer !!!
Même pour Noël nous avions rien ou pas grand-chose car le Père Noël était pauvre aussi à cette époque.
Notre gros cadeau était une orange et pour les plus gâtés, il ajoutait soit un double décimètre soit une boite de 12 crayons de couleurs ou un plumier.
Quel privilège !!!
Vous racontez ça aux jeunes d'aujourd'hui, ils vous prennent pour un demeuré, vous rient au nez et ne vous croient pas du tout.
Pourtant c'était la stricte vérité car c'était vraiment ça à l'époque. Beaucoup de ces jeunes ont souffert pendant la dernière guerre surtout par manque de nourriture et de tout ce qui est nécessaire au quotidien.
Ils se trouvaient maintenant libres et se contentaient de ce qu'on pouvait trouver au jour le jour pour vivre et pour occuper leurs heures de loisirs.
Malgré tout nous étions jeunes et heureux !!!
Les temps ont bien changé ! En bien ? En mal ?
L'avenir nous le dira mais une chose est sûre on savait apprécier les bonnes choses.
Certains anciens jeunes qui se sont dispersés en France ou même à l'étranger auront sûrement un large sourire et peut-être un peu de nostalgie lorsqu'ils liront ces quelques lignes qui leur rappelleront pleins de bons souvenirs...
Émile Portigliatti
Quelques souvenirs et anecdotes de jeunesse.
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