Sigonce ... Je me souviens encore ...
Cette page recueillera des évènements que j'ai encore au fond de ma mémoire.
Ils seront écrits simplement, avec mes mots, sans chronologie...
Ils font partie de mes souvenirs.
Émile Portigliatti
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Et je me souviens encore ...
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À une certaine époque toutes les amies qu’elle avait au village venaient rendre visite à ma mère tous les après-midi été comme hiver et elles étaient nombreuses. Pour ne citer que les principales que je me souvienne :
Mesdames Élisabeth Lovera dite Zabette, Irène Alexanian née Caron (d’où la Traverse Caron aujourd’hui), Jeanne Truphème, Antonia Sube dite Papillonne (d’où la Traverse Papillonne aujourd’hui), Adémare Ughetto, Jeanne Kita, Jeanne Prot, Emma Ghigo, Angèle Ghigo et bien d’autres encore ...
Ma mère aimait bien recevoir !
002
L’été elles étaient toutes assises devant la maison avec chaises et petites tables et ma mère leur offrait sirop et diverses friandises. L’hiver elles étaient toutes au chaud dans la cuisine. Ma mère faisait une marmite de tisane : pommes et pruneaux et chacune avait sa tasse ou son bol qu’elles dégustaient avec plaisir. J’avais de la peine à passer tant elles étaient nombreuses. Chacune racontait la sienne : recettes de cuisine, vie du village, nouvelles...
C’était vraiment la belle ambiance tous les jours !!!
003
Quand j’avais 8 ou 9 ans, après la guerre, je faisais payer l’entrée au bal au café Alpin (aujourd’hui propriété Marc et Sophie Carmona), c’était pratiquement tous les week-end et celles du cinéma (Champsaur de Peyruis ou Robert d’Oraison).
004
Un jour des années 1950, je ne me souviens plus la date, j’avais environ 12 ans je me promenais vers la mine. Je suis monté jusqu’à la "recette" où arrivaient les wagons pleins du fond de la mine. Trompant la vigilance des ouvriers qui opéraient à cet endroit je grimpe dans un wagon vide qui allait rejoindre le bas de la mine. Personne ne s’étant aperçu de rien. La cage (ascenseur) descend et je me retrouve aussitôt à environ 80 mètres plus bas.
Quelle est la surprise, l’étonnement de l’ouvrier qui me découvre en sortant le wagon ?
Mon père qui était contremaître à la production de jour est informé de ma présence part le téléphone arabe ;.
Puisque tu es là me dit-il tu vas voir de tes yeux ce qu’est le travail du mineur de fond.
Il m’emmène dans une galerie où tout craquait au dessus de nos têtes. Des bois enchevêtrés menaçaient de tomber et de tout s’effondrer. Il était dessous ce sinistre plafond et regardait en l’air comme si rien n’était. Il me faisait signe de m’approcher. J’ai refusé car presque paralysé. Tout jeune j’ai découvert ce qu’était ce dangereux travail de mineur. Quelle peur ce jour là !!! Une 2ème fois je suis descendu dans la mine avec Alain Coulomb le fils du Directeur de l’époque M. Jean Coulomb qui nous a fait visiter une galerie sécurisée avec autorisation cette fois !!!
005
Je suis rentré à l’école de Sigonce en décembre 1943. À ce moment là c’était M. Marcel André le Directeur de l’école (en même temps chef–adjoint de Martin Bret chef départemental de la Résistance). Ce jour là il était au portail d’entrée de l’école et accueillait chaque élève qui venait tout seul à l’école car on y rentrait à l’âge de 5 ans. Nous étions très nombreux dans les 2 classes. À mon passage il me dit : "tu as les souliers qui brillent !". C’est vrai que ma mère les avait cirés à l’extrême même si nous n’avions pas de chaussures de choix comme aujourd’hui (mais c’était la guerre et les galoches à semelles bois étaient courantes et à la mode) alors il fallait les faire durer.
Hélas je ne l’ai pas vu longtemps car il a été arrêté et fusillé à Signes le mardi 18 juillet 1944.
006
Je me souviens aussi de Mme Fernande Boivin propriétaire de la ferme St Jean route de Montlaux (actuelle propriété de Mme Laurence Marzec) qui,
à un âge moyen prenait régulièrement son permis de chasse annuel, non pour chasser au fusil mais pour poser des lèques (pièges à grives) à divers endroits de son territoire agricole. Elle en avait près de 400 si je me rappelle bien. Tous les lundis elle allait vendre ses grives sur le marché de Forcalquier endroit spécial qui se situait face à la librairie/journaux centrale et tout le long du rempart.
Au même endroit les paysans du secteur venaient vendre leurs œufs, lapins, poules et autres volailles ou
gibier.
Cela a disparu aujourd’hui en ce lieu.
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Je me souviens aussi de cette triste journée du samedi 8 juillet 1944 jour de la tuerie des Rousses. Ma mère allait régulièrement chercher du lait au Revest St Martin chez M. Armel Combe. J’avais 6 ans à l’époque et ce jour là je n’allais pas à l’école donc je l’accompagnais. Il était moins de 7h00 du matin. Nous y allions à travers les collines en partant du
"chemin du Roy". La marche à pied était notre quotidien à cette époque car les voitures étaient plus que rares. Au départ quelque chose nous a quand même étonnés car il y avait quelques allemands sur la place au niveau de la maison de Sylvie Depaoli mais nous étions en guerre. Au cours de notre trajet nous entendons brusquement un tac à tac à répétition.
À notre retour nous avons su que c’était le bruit d’une mitrailleuse et apprenions la terrible nouvelle.
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Pendant longtemps le bureau de poste a été ouvert le samedi et même le dimanche matin pour le téléphone et la vente de timbres seulement. Dans les années 1950 le receveur s’appelait Gabriel Quenin. Il était parfois ennuyé d’avoir son week-end bloqué à cause de cette servitude de fin de semaine.
Bien que très jeune il m’avait formé car c’était encore le téléphone à fiches. Pour la vente des timbres, avant de quitter le bureau je faisais un état écrit de l’activité en ce domaine. Je lui rendais service bénévolement.
À mon âge j’étais heureux de me rendre utile.
C’était une autre époque !!!
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Un jour, pendant ma période scolaire à la communale de Sigonce M. Jean Pin notre instituteur qui est resté 7 ans dans notre village avait emmené tous ses élèves en visite à l’usine à chaux. Quelle joie pour nous tous ! M.
Émile Boursier le Directeur et M. Joseph Mansoura le chef comptable nous avaient accueillis chaleureusement. Je ne me souviens plus de ce que j’avais vu à l’époque mais l’usine était en pleine activité. De plus nous sommes allés jusqu’aux carrières d’extraction de la pierre à chaux.
À la fin de la visite M. Émile Boursier nous a remis à chacun un livret où l’on découvrait l’historique de l’usine et la façon de faire de la chaux (type ciment).
Nous étions heureux.
J’ai toujours ce livret que je conserve précieusement.
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M. Émile Boursier Directeur de l'usine à chaux qui était "un brave homme ; et avec qui j'avais sympathisé m'envoyait chaque mois 40 places de cinéma gratuites : loge du propriétaire. En effet, il était actionnaire ou propriétaire du cinéma "Le Capitole" à Marseille. Du fait que je ne pouvais pas utiliser ces billets, Marseille n'étant pas la porte à côté, je les remettais chaque fois sous enveloppe et je les envoyais à des amis demeurant à Marseille qui en ont profité durant de longues années.
Un bienfait n'est jamais perdu.
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À une certaine époque et durant de longues années je faisais systématiquement les déclarations d'impôts à toutes ces mamy du village qui me sollicitaient le moment venu pour remplir ces imprimés. Aussitôt arrivé chez elles, elles me mettaient une boîte en métal, type boîte à sucre sur la table et à moi de me débrouiller. Elles avaient mis à l'intérieur tous les papiers qu'elles recevaient. Je triais ce qui concernait les impôts, je remplissais l'imprimé et elles n'avaient plus qu'à signer. Je leur faisais systématiquement un double car il n'y avait pas de déclaration pré-imprimée à l'époque. Elles étaient toutes heureuses. Même si la plupart n'étaient pas imposables elles étaient conscientes qu'elles avaient fait leur devoir de citoyenne.
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À une certaine époque, à la demande de la municipalité Oblé Maurel (un ancien maire) je faisais le tour des habitations et je relevais les compteurs d'eau comme le fait aujourd'hui Fernande Chiapella.
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Comme je l'ai écrit dans un article à part j'ai été correspondant de journaux pendant 46 ans pour Sigonce. Pour ce faire il fallait beaucoup écrire pour informer et aussi pour faire connaître son village aux alentours mais il fallait aussi faire les photos correspondantes. Aujourd'hui rien de plus facile avec l'appareil de photo numérique, la tablette ou le téléphone et l'on a la photo tout de suite. À mon époque c'était autrement différent et plus difficile. Lors d'un événement, un mariage par exemple je faisais une ou plusieurs photos et je galopais à mon laboratoire photos (car je m'en étais installé un au premier étage de mon garage avec agrandisseur, révélateur, fixateur, bacs et tout le reste...). La pellicule sortie dans le noir il fallait voir si les photos étaient bonnes. Si c'était le cas je poussais un ouf de soulagement, dans le cas contraire il fallait remettre une autre pellicule dans l'appareil photo qui était un argentique à l'époque et repartir à la recherche des mariés.
Le cas m'est arrivé 2 fois mais j'ai toujours eu la chance de rétablir les choses.
De tout ça je m'en souviens très bien.
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Je me souviens aussi de ces messes de minuit où l'église était toujours pleine. Après la guerre c'était donc Urbain Vidal curé de Fontienne qui assurait le service dans notre paroisse pour : messes, mariages, enterrements, baptêmes, et un peu de catéchisme...
Il venait systématiquement chaque année à Sigonce célébrer la messe de minuit le 24 décembre. Du fait qu'il avait seulement une vieille moto pour se déplacer et qu'il faisait nuit et très froid c'était M. Jean Coulomb, directeur de la mine, qui allait le chercher à Fontienne avec sa voiture personnelle et qui le ramenait après la messe. Il pouvait pleuvoir ou neiger, rien n'arrêtait M. Coulomb qui s'arrangeait toujours pour être à l'heure.
De plus sa gentillesse n'avait pas de limite : il fournissait gratuitement bois et charbon pour le chauffage de l'église. Il suffisait de demander ! La messe de minuit c'était vraiment à minuit. À l'époque où j'étais enfant de chœur, à 23h00 j'allais tout seul à l'église (j'avais un peu peur car il faisait très noir !) pour sonner le premier comme on disait pour rappeler aux villageois qu'il allait y avoir la messe. À 23h30 je retournais sonner le second et à minuit pile c'était le dernier juste avant que la messe commence. Pas facile de tirer les fils de fer qui actionnaient les battants des grosses cloches quand on est encore petit !
En passant je donnais un coup d'œil au vieux poêle pour m'assurer qu'il chauffait bien car il avait été allumé bien avant dans la journée afin de bien chauffer l'église.
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Je me souviens encore de cette fameuse taxe sur les chiens...
Alors que j'avais environ 10 ans, vers 1948, je revois encore ma mère qui faisait manger régulièrement un chien devant la maison avec les restes des repas.
À l'heure dite il arrivait car il savait où trouver sa pitance car à l'époque les croquettes et autres denrées alimentaires n'existaient pas et ils mangeait goulûment tout ce qu'on lui donnait.
Quelle ne fut pas la surprise de mes parents lorsqu'ils reçurent un jour une lettre du percepteur de Forcalquier leur demandant de s'acquitter de la taxe pour leur chien.
En effet, la taxe sur les chiens existait bel et bien à cette époque pour ceux qui étaient propriétaires d'un ou plusieurs chiens.
Ce n'était pas le cas pour nous !
Dans le village il y avait une personne qui était chargée de signaler les propriétaires de chiens "Aux impôts" comme on disait.
Ce n'était pas forcément un conseiller municipal. Après forces explications auprès du maire et du percepteur de Forcalquier la taxe a enfin été annulée.
Quelle histoire ... de chien !!!
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Émile Portigliatti
Sigonce ... Je me souviens encore ...