Sigonce ... Les moissons d'hier à aujourd'hui dans notre commune.
Les dernières remorques de blé dur sont rentrées depuis quelques jours au silo à grain de Forcalquier. Le premier coupé a été l’orge puis le blé
tendre, le plus courant, et enfin le blé dur qui a besoin de plus de temps pour être à point. Une noria de bennes a sillonné les routes presque nuit et jour pendant plus d’un mois dans la région sous-préfectorale.
Où sont les moissons d’antan qui mobilisaient plus d’hommes et de chevaux que de machines modernes comme aujourd’hui ?
Autrefois, nombreux étaient les paysans qui avaient de petits lopins de terre qu’ils exploitaient au maximum. Armés de leur faucille, ils coupaient soigneusement leur maigre récolte, qu’ils ramenaient à la ferme en essayant de ne pas perdre trop d’épis. Armés de fléaux, ils tapaient sur les épis pour en faire sortir les grains. (Travail pénible qui demandait force et endurance).
Un peu plus tard, on s’équipe de faux à manche court, ce qui permet de couper plus de tiges à la fois et de les laisser tomber en andains (alignement de végétaux fauchés), prêtes à être regroupées en gerbes. L’on fait des gerberons dans le champ (petits tas de gerbes à même le sol) que l’on viendra récupérer par la suite avec la charrette. Ramenées à "l’aire" (endroit plat aménagé, généralement à proximité de la ferme), on détachait les gerbes que l’on disposait tout autour d’un mât, pourvu d’un tourniquet. Un cheval, voire deux chevaux, tournait durant des heures autour du mât, guidé par une corde partant du tourniquet, traînant un ou deux lourds rouleaux en pierre qui avaient pour mission d’écraser les épis afin d’en faire sortir les grains.
C’était l’opération "foulage".
Chevaux et agriculteurs en pleine action de foulage, sur une des aires de la commune.
Lorsque le cheval arrêtait sa rotation, on enlevait la paille à l’aide de fourches, et l’on récupérait le mélange : blé + "poussis" (poussière de blé et de paille) que l’on passait dans "le ventaïre" (appareil produisant un puissant courant d'air) afin de séparer les grains enfin propres du "poussis".
Vers 1938 sur l'aire de Delaye Marie-Thérèse (aujourd'hui Noëlle Borza), quartier du monument aux morts.
Nous pouvons voir autour du ventaïre : de gauche à droite Denise Jayne, François Jayne, Raymonde Delaye (Pierre), Moïse Sube, appuyé à côté Ernest Christini, Ange Delaye, Josette Delaye (Just), et Alice Delaye (Sube), avec la corbeille, et deux enfants devant jouant avec le poussis.
Plus tard, faucille et faux sont abandonnées et c’est la moissonneuse-javeleuse qui entre en action (elle coupe les tiges, met des gerbes en forme sans les attacher et les abandonne au sol, prêtes à être liées à la main).
Quelques temps ont passé et la moissonneuse-lieuse fait son apparition dans les campagnes (le blé est coupé et mis en gerbes automatiquement). Les charrettes chargées au maximum les ramènent à la ferme, gerbes qui sont mises les unes sur les autres sur une grande hauteur pour confectionner "la gerbière". Avec l’utilisation de la moissonneuse-lieuse, beaucoup d’épis se détachent et restent dans les champs, ce qui fait le bonheur des glaneuses qui les récupèrent après autorisation du propriétaire.
Sur l’aire, le ventaïre a disparu, laissant la place à la nouvelle venue : la batteuse.
La première qui soit venue à Sigonce, un peu avant la guerre, appartenait à l’entreprise Mégy de St Michel l’Observatoire, batteuse qui venait uniquement dans les grandes fermes à l’époque, où les gerbières étaient importantes (telles que Aris, Pré Giraud...). Elle était du type routière. Elle possédait une chaudière alimentée au charbon, qui était très souvent allumée à quatre heures du matin pour être opérationnelle au moment voulu. Cette chaudière produisait de la vapeur qui actionnait une poulie supportant une très longue courroie reliée à la poulie de la batteuse, cette dernière étant positionnée beaucoup plus loin par mesure de sécurité.
Entre autre le risque d'incendie avec la paille et la poussière qui volaient et de brûlure par la chaleur de la chaudière ou bien d'être happé par la grande roue
motrice qui entraînait la longue courroie.
À proximité de celle-ci se tenait la citerne d'eau et le combustible pour la production de vapeur.
Une batteuse et sa chaudière.
Oller . ALMANACH DU FACTEUR . 2006
Battage du foin en Charente.
L'entreprise Megy cessant ses activités sur notre commune vers 1946, c’est l’entreprise de battage
: Arthur et Raoul Auric de Lurs qui passera de ferme en ferme à l’époque des
moissons et prendra le relais avec du personnel recruté souvent sur place pour cette période.
À leur cessation d’activité, l'entreprise Breissand de Reillanne vient faire
une ou deux saisons de battage, puis c’est l’entreprise Honoré Moulet de Volonne qui assure la continuité de cette
pratique jusqu'en 1965.
La batteuse avalait les gerbes jusqu’à une heure fort tardive de la nuit. D’un côté, le blé sortait propre et était mis en sac au fur et à mesure, tandis que la paille qui était projetée vers l’avant était récupérée par une énorme presse qui la mettait en balles.
Du fait qu’il avait de nombreux et grands terrains ensemencés, M. Paul Dominique, très curieux de tout ce qui est nouveau, fut le premier au village à avoir acquis en 1948, à titre individuel, pour son usage personnel une petite batteuse de marque : Vandeuvre qui a été inaugurée sur son aire au sud de l’école. Elle était de couleur vert clair et le moteur Bernard qui l’actionnait avait été prêté par la famille Aimé Depieds.
Comme c’était un évènement à l’époque, une partie du village était sur l’aire afin de découvrir les prouesses de cette machine. Au début ce fut la déception car à la sortie, les grains de blé étaient déchiquetés, mais grâce au savoir faire de M. Julien Espinelly, notre garagiste, dépanneur de machines agricoles, tout est rentré dans l’ordre très rapidement.
La technique évoluant à grande vitesse dans ce domaine, toutes ces pratiques ont disparu et ont été supplantées par l’arrivée sur le marché de la moissonneuse-batteuse qui opère en plein champ.
En 1966, c’est l’entreprise Fortoul de Digne-les-bains qui inaugure cette nouvelle méthode dans notre commune. L’année suivante, c’est l’entreprise Favier de La Freissinouse (Hautes-Alpes) qui passe de ferme en ferme pour proposer ses services et qui s’implante pour plusieurs années consécutives. Enfin, c'est l'entreprise locale Aimé Ayasse, installée dans la commune, (possédant plusieurs moissonneuses-batteuses), qui fait une grande partie du travail, avant de se rendre dans plusieurs départements : les Bouches du Rhône, le Var, et les Hautes-Alpes pour terminer la saison.
Pendant que l'on moissonne les céréales, les bennes vides attendent au bord du champ leur chargement. La moissonneuse-batteuse qui se déplace assez rapidement vient les remplir au passage, puis elles repartent dans la foulée vers les silos de la coopérative de blé de Forcalquier où elles sont réceptionnées par les employés. La paille reste à même le sol, en andains. C'est une emballeuse qui la mettra en bottes ou en rouleaux. Ces derniers seront stockés un peu plus tard sous de grands hangars construits non loin de la ferme.
Les ponts métalliques.
Dans les années 1965-1970, après les moissonneuses, les moissonneuses-batteuses ont fait leur apparition dans la région. Elles avaient quelques difficultés pour se rendre de ferme en ferme à cause de l'étroitesse des routes et par la hauteur de quelques ponts en pierre car certaines étaient larges et basses.
C'était le cas pour la route Sigonce-Montlaux au niveau du pont de "Terre noire" (Sigonce) et celui du "Trou du Constant" (Montlaux).
Quelques agriculteurs s'étant manifestés, le Conseil Général de l'époque avait accepté de supprimer les parapets en pierre de ces deux ponts et les a fait remplacer par des parapets métalliques rabattables sur leur moitié. C'est M. Julien Espinelly garagiste à Sigonce, très polyvalent et ingénieux, orfèvre en la matière qui les a conçus.
Lorsqu'ils arrivaient près du pont les ouvriers qui s'occupaient de la moissonneuse-batteuse enlevaient les clavettes et rabattaient le demi parapet sur toute sa longueur. Aussitôt franchi tout était remis en place grâce à ces clavettes de maintient et l'ouvrage était de nouveau mis en sécurité.
Le progrès aidant, les machines agricoles sont aujourd'hui très hautes sur roues et de ce fait circulent aisément sur nos petites routes de campagne.
Photo du pont métallique de "Terre noire".
Photo du pont métallique du "Trou du Constant".
Les ponts métalliques sont toujours là, imperturbables ... et pour de nombreuses années encore.
En conclusion : depuis de nombreuses années nous avons pu remarquer l'évolution de la technique utilisée dans nos campagnes pour rendre ce dur travail moins pénible et l'on pourra constater que la machine a remplacé petit à petit l'homme et l'animal.
Le monde avance, il faut s'adapter : avant l'on parlait d'outils, maintenant de machines...
Émile Portigliatti
Les moissons d'hier à aujourd'hui dans notre commune.
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