Sigonce ... La cité des mines.
La première cité des mines a vu le jour dans les années 1941/42/43.
C’est M. Pierre Traversa, artisan maçon à Pierrerue, qui est retenu par la direction des mines pour la mise en route de ce chantier qui
devait comporter 4 bâtiments. Il construit les deux premiers qui sont en parallèle sur le lotissement.
Pour l’anecdote, ce dernier qui était un gros travailleur avait mis en place un panneau à l’entrée du chantier sur lequel on pouvait lire :
"Il n’y a rien de plus embêtant pour celui qui travaille que d’avoir la visite de gens qui n’ont rien à faire".
Cela suffisait-il à décourager les nombreux curieux ?
Tombant en désaccord sur les prix avec la direction pour la poursuite du chantier, M. Traversa arrête immédiatement les travaux.
C’est donc M. Roger Pons, lui aussi artisan maçon à Pierrerue, qui prend le relais pour la construction des deux autres bâtiments : le plus grand qui abritera trois familles, à droite, en bordure de route en venant du village et l’autre, plus petit, à gauche tout près des gîtes communaux actuels. M. Georges Sube qui travaillait à l’entreprise Pons à cette époque a participé à la construction de ces deux bâtiments.
Avant de construire le plus grand, il a fallu enlever plusieurs m3 de remblai qui avait été déposé là, suite à l’extraction du charbon provenant du grand hangar qui existe encore aujourd’hui, charbon qui était remonté en surface d’une galerie profonde de 20 mètres grâce au concours d’un cheval qui effectuait dans le hangar de nombreuses rotations pour ce faire. Cette galerie n’était pas très longue car elle se terminait au dessus des actuels gîtes ruraux. Elle s’était écroulée en bout de parcours il y a de nombreuses années. M. Paul Dominique (qui fut plus tard chef porion à la mine, responsable de l'entretien en poste l'après-midi) avait profité d’y enterrer son cheval qui venait de mourir. Depuis ces souterrains miniers se sont comblés naturellement et ce n’est plus qu’un souvenir.
Dès 1945, les premiers prisonniers allemands ont commencé à occuper les deux bâtiments qui sont en parallèle sur le terrain et qui leur sont destinés jusqu’à la fin. La direction de la mine responsable de leur détention avait fait mettre en place une clôture style barbelés, confectionnée avec de vieux câbles de récupération en provenance du transport aérien des wagonnets qui se rendaient à la gare de Lurs.
On a pu se rendre compte par la suite que ça ne servait à rien car ces prisonniers étaient assez libres d’aller à leur travail,
de vaquer à leur guise à leurs occupations quotidiennes et d’aller au village sans surveillance. Au début il y eut un peu de discipline mais qui s’est très vite assouplie avec le temps. Le soir, ils étaient
soi-disant gardés. Plusieurs personnes baptisées "gardes" pour la circonstance se sont succédées à ce poste.
Nous relèverons quelques noms comme :
Ange Delaye, Pierre Mansoura, Camille Bidault, Pascal Martel et un nommé "Mitraillette", non originaire de la région, qu’on avait baptisé ainsi car avait-il laissé échapper une rafale de mitraillette par inadvertance ou bien un peu forcé sur la boisson ?
Le poste de garde se situait dans le premier bâtiment, tout contre les actuels gîtes. Les prisonniers allemands lavaient leur linge tout près du plus grand bâtiment dans un lavoir de fortune qu’ils avaient crée dans le lit du canal du Pesquier alors à ciel ouvert. Ils avaient coulé une dalle en ciment sur le bord du canal, ce qui leur permettait de laver à deux dans cette belle eau qui coulait en abondance à l’époque car il n’y avait pas encore l’eau dans les habitations. De plus le canal était très profond (plus d’un mètre) car il était très bien entretenu par les riverains qui avaient leurs jardins tout le long de celui-ci depuis la source.
Le grand bâtiment qui était en bordure de route et qui n’était pas dans l’enceinte surveillée était occupé par des familles d’ouvriers.
Tout au début il y avait les familles :
Robert Bidart, Edmond Grozboz, et celle d’un juif appelé Wald. (Ce dernier confectionnait de magnifiques ceintures avec du cuir de récupération qu’il pouvait trouver et qu’il revendait).
Il y avait deux autres juifs qui travaillaient à la mine :
l’un nommé Zotogorra qui habitait à Terre–Noire et l’autre Falk qui était sur Forcalquier. Le premier fabriquait des chaussures avec les matériaux qu’il pouvait récupérer et qu’il revendait aussi car à cette époque noire elles étaient très recherchées. Par restriction, par manque de produits de première nécessité, la mode était aussi aux galoches (chaussures à semelle bois). L’autre qui possédait un accordéon faisait danser les maquisards en 1944 à Terre-Noire et à la ferme d’Aris.
Pour en revenir aux prisonniers allemands, ils ont même fait le réveillon de Noël chez eux et avaient invité leurs voisins immédiats
: tels que Robert et Elsa Bidart, Julien et Ottorina Alpin et qui n’étaient pas venus les mains vides.
Lorsque les prisonniers allemands ont quitté définitivement la cité, certains qui s’étaient enfuis ou rentrés légalement
chez eux en Allemagne une fois libérés (après 1948), les locaux ont retrouvé d’autres fonctions.
Ils ont été occupés par des familles d’ouvriers retrouvant ainsi leur vrai vocation de "Cité des mines". Le petit bâtiment tout près des gîtes a été occupé par Bertin Bernier et par un nommé Adam, puis à leur départ par quatre algériens qui travaillaient eux aussi à la mine : Ben Ali, Kadour père, Kadour fils et Salah.
Après la guerre et durant de nombreuses années bon nombre de familles algériennes s’étaient installées au village et avaient vécu en parfaite harmonie avec les habitants.
Pour les deux autres bâtiments qui étaient occupés exclusivement par les prisonniers allemands, l’un a été octroyé à la famille Henri et Renée Nicolosi et le deuxième est devenu le dispensaire où venait 2 fois par semaine le médecin des mines en provenance de Manosque. Ce bâtiment possédait sa salle d’attente et sa salle de consultation. Le bâtiment en bordure de route qui était dès le départ occupé par 3 familles a été modifié. (Une cloison a été abattue et ce sont deux logements plus grands qui ont été occupés jusqu’à la fin par les familles Robert Bidart et Joséphine Robin).
Après la fermeture de la mine, ces logements se sont vidés, les familles se sont relogées ailleurs dans le village ou ont tout simplement quitté la commune pour une autre orientation professionnelle. Ces maisons,
y compris les bâtiments et terrains qui entouraient la mine ont été vendus en bloc à Mme Bottero-Barra
habitant La Valette dans le Var (83). C’est maître Jean Genin, alors notaire à Forcalquier, qui s’est occupé de la transaction.
Mme Bottero-Barra a loué durant de très longues années la cité et ses dépendances à des vacanciers ou autochtones à la recherche d’un toit, ne serait-ce que provisoirement. Ces maisons ont été ensuite revendues individuellement ou certaines sont restées dans la famille
Bottero.
Pour les 4 bâtiments composant l’ancienne cité les nouveaux propriétaires sont
: M. et Mme Benjamin Mezzasalma pour le bâtiment le plus près de la colline, M. et Mme Marc Bottero pour celui juste devant en parallèle,
M. et Mme Marc Bottero pour celui en bordure des gîtes, M. et Mme Marc Bottero en bordure de route.
Sigonce, vue aérienne d'une partie du village.
Photo IGN (Institut Géographique National) https://www.ign.fr/
0. Nouvelle cité à la sortie du village.
1. Maison Marc Bottero en bordure de la route.
2. Maison Marc Bottero en bordure des gîtes.
(Où se tenaient les gardiens des prisonniers allemands).
3. Maison Marc Bottero.
(Où vivaient les prisonniers allemands).
4. Maison Benjamin Mezzasalma.
(Où vivaient les prisonniers allemands).
5. Garage par où sortait le charbon au tout début.
(M. et Mme Benjamin et Séverine Mezzalma ont agrandi leur maison à l'intérieur de celui-ci).
6. Anciennes douches.
(Maison Didier Avalle).
7. Ce qu'il reste de la mine.
(Ancien transformateur électrique, bureau de la direction, etc. ...).
Quelques années après la construction de la première cité, l’entreprise Gal des Mées construit la deuxième petite cité, juste sous la villa Berthe Granier (aujourd’hui Alain
Lebré). Dans la foulée elle construit les douches pour les mineurs,
tout près de la mine, transformées aujourd’hui en maison d’habitation (appartenant à M. Mme Didier
Avalle) ainsi que la grande villa du directeur de la mine, située route de Montlaux juste après le monument aux morts (appartenant depuis
de nombreuses années à M. Guy Bonifas et sœur Gabrielle). C’est M. Jean Coulomb et sa famille qui ont été les premiers à l’occuper dès 1945, et ce jusqu’en 1958 date de leur départ. M. Jean Coulomb qui est décédé en 1969 a été un directeur très regretté par les mineurs et la population de l’époque car c’était quelqu’un de très
humain, toujours très arrangeant, qui avait l’estime du personnel dont il était responsable. Il a toujours accepté que les non mineurs viennent sans problème se servir en charbon déclassé ou bois réformé dans les wagons qui remontaient en surface à la
"recette" (plate-forme où étaient réceptionnés les wagons en provenance du fond).
Il a été remplacé par Félix Guillomon qui est resté de fin 1958 à 1960, date de fermeture officielle de la mine.
Émile Portigliatti
La cité des mines.
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