Sigonce ... De la récolte des olives ... à l'huile.
"Les olivades" (période de ramassage des olives) comme on dit en Provence, ont commencé il y a quelques temps déjà. Certains ont terminé car ils n'ont que quelques arbres mais d'autres aux alentours ramasseront probablement jusqu'à fin février voire plus tard tant les oliviers sont nombreux et la récolte plus importante qu'en 2008.
La famille Blanc et Rolland lors de la cueillette quartier du Saignas. On remarquera la pose d'un filet au sol.
La culture de l'olivier est tout un art et demande beaucoup de temps. L'arbre demande de 5 à 6 ans avant de donner ses premiers fruits et 30 ans pour produire à plein rendement. En Provence, on dit qu'à 100 ans un olivier est un jeune homme et qu'il pourra aussi être millénaire si Dieu lui prête vie. La floraison se situe entre avril et juin et la cueillette s'étale d'octobre à février selon les endroits. Il peut produire de 15 à 50 kg d’olives par récolte. Arbre méditerranéen par excellence, l'olivier exige un climat doux, lumineux, et supporte bien la sécheresse.
Les fruits en mûrissant passent du vert au noir. Il n'y a pas "d'oliviers noirs" et "d'oliviers verts" car tout dépend du moment de la cueillette. Dans peu de temps, en février - mars, ce sera la taille qui donne lieu à de nombreux débats polémiques car elle compte plusieurs écoles sur la manière de tailler les branches.
La Provence et la Côte d'Azur sont très représentatives en matière d'oliviers. Chaque village en possède, qu'ils soient d'ornement, paysager ou pour la production d'olives, mais les grandes oliveraies se concentrent plus particulièrement dans les Alpilles, plus gros producteur français et en Camargue. On en trouve aussi dans l'arrière pays niçois, dans le centre Var, le haut Var, dans l'ouest Var et dans la vallée de la Durance et les Alpes-de-Haute-Provence.
Chaque vallée produit une huile différente et les parfums sont subtilement différents.
Qui dira que notre huile n'est pas la meilleure ?
La cueillette bat son plein car souvent, lorsque nous parcourons la région : Lurs, Sigonce, Forcalquier… nombreux sont les chevalets qui se dressent çà et là dans les oliveraies que nous découvrons au cours de nos promenades champêtres.
M. Jean Desblache en pleine cueillette sur sa propriété à Sigonce quartier du Saignas.
À une certaine époque, nombreux étaient sur la commune les propriétaires d'une petite "olivette" qu'ils entretenaient avec soin afin d'avoir un petit rapport supplémentaire pour les besoins de la famille. Les uns préparaient leurs olives vertes cassées, d'autres produisaient un peu d'huile grâce à une récolte un peu plus conséquente. Nous en citerons quelques uns :
Mansoura Michel, Carretier Louis, Blanc Aimé, Henry Germain, Pardigon Adolphe, Delaye Gabriel, Monier Paul, Delaye Marie-Thérèse, Léopold Sube…
Durant des décennies, les oléiculteurs de la commune et des environs ont toujours emmené leur récolte au moulin de Monésargues distant de
5 km, situé sur la commune voisine de Lurs.
Si nous remontons dans le temps, le moulin fut géré par un nommé Turin, puis par les associés
Déjean et Beaudun,
puis par M.
Émile Baudun qui devint propriétaire à part entière aidé dans sa tâche par son ouvrier Julien Masse, puis par M. Julien Masse lui-même
qui se faisait aider en pleine saison par quelques ouvriers occasionnels des environs
(tels
MM. André Chiapella, Marcel Dominici, Fernand Gervasonni, Jean Bottero et bien
d'autres), et enfin depuis la disparition de Julien,
par MM. Aimé et Jérôme Masse qui assurent cette parfaite continuité artisanale dans la tradition et
dans de très bonnes conditions.
À l'époque faste (avant 1960), il y avait en réalité 4 moulins à Monésargues, actionnés par l'énergie hydraulique de la rivière du Lauzon qui longe le bâtiment.
Il y avait donc un moulin pour la farine boulangère, un pour la farine pour animaux, un pour les olives et enfin un quatrième pour les graines d'épeautre. Depuis assez longtemps et jusqu'à sa fermeture en 1936, il y avait aussi, jouxtant les moulins un four banal (bien rural affermé) à bois et une boulangerie qui avaient été créés par M. Turin. À l'époque de M. Émile Baudun, tous ces moulins fonctionnaient à plein régime et avaient une solide réputation dans le département tant par leur diversité que par le savoir faire et le sérieux dans le travail des propriétaires. En matière de farine boulangère 42 boulangeries étaient desservies par le moulin de Monésargues.
Nous revoyons ce grand camion à plateau qui stationnait devant la boulangerie du village qui venait une fois par mois pour livrer le boulanger de l'époque M. Léopold Sube. Les balles de 100 kg étaient déchargées par MM. Julien Masse et Émile Beaudun. Pas de difficultés pour Julien qui était un costaud rodé à ce genre de travail mais pour Émile Beaudun c'était plus fastidieux du fait qu'il était très grand et vraiment mince. Tout se passait quand même bien et en fin d'opération M. Beaudun disait à M. Léopold Sube :
"Ah ! aujourd'hui tu ne pourras pas rouspéter (gronder), je t'ai mis quelques balles de Florence Aurore."
(farine supérieure à la normale, issue d'un blé dur de meilleure qualité).
Quand Julien était là, il y avait toujours de l'ambiance au moulin. Avec son accent très prononcé du midi il était toujours prêt à vous raconter une histoire avec un humour qui lui était propre. Il était un grand ami de Jean Giono (écrivain français (1895 - 1970) né et mort à Manosque 04) et cette amitié ne s'est pas ternie avec le temps puisque aujourd'hui encore on écrase toujours les olives de la famille Giono, olives de Mme Sylvie Durbet (fille de Jean Giono) qui proviennent de Manosque ou des alentours.
Hélas dans la nuit du 6 octobre 1960 l'imprévisible est arrivé !
"Le pont du Lauzon, direction Lurs, dont la hauteur de l'arche frôle les cinq mètres a menacé de s'écrouler car le bas de l'arche avait été sérieusement attaqué par les violents coups de boutoir du courant et les matériaux entraînés dans sa folle course bruyante et tourbillonnante. L'eau n'arrivait plus à passer sous le pont. Elle forçait pour passer sur la route. Le passage au moulin de Monésargues était impossible car tout était inondé et l'eau revenait en amont car elle n'arrivait plus à passer dans l'entonnoir trop étroit des Roques."
(Un passage de l'article : Sigonce 04 ... À découvrir : Chapitre 00 => Le pont en pierre)
La crue subite de la rivière du Lauzon qui a tout dévasté sur son passage a emporté plus de la moitié des installations des moulins. Depuis ce jour seul le moulin à huile a pu être sauvé et fonctionne normalement.
Voilà le panneau qui vous annonce le moulin.
Le moulin de la famille Masse.
Aimé et Jérôme Masse ont conservé la tradition et cette méthode artisanale qui permet d'obtenir une huile au parfum subtilement différent des autres huiles.
Tout d'abord les olives sont écrasées par d'énormes meules.
M. Julien Masse surveille l'écrasage des olives par les énormes meules.
Les meules en action.
M. Aimé Masse surveillant l'opération d'écrasage.
Elles sont ensuite pressées dans des scourtins, genre de paillassons ronds, en fibre de coco ayant la forme de poche dans laquelle on peut mettre 5 à 6 kg de pâte d'olive écrasée.
Remplissage des scourtins avec la pâte des olives écrasées.
L'opération de pressage.
On pourra constater, sur la photo, l'action du vérin qui exerce une force de pressage verticale sur les scourtins (le point fixe est en haut) et la première huile qui s'en écoule.
C'est enfin la décantation dans des énormes barrières (bacs en bois) où le ramassage de l'huile se fera en fin d'opération à la feuille (sorte d'écumoire non percée, un peu creuse au milieu) et à la casserole.
Ramassage de l'huile à la feuille et à la casserole au dessus d'une barrière en bois.
L'huile récoltée sera vidée sur un tamis.
L'huile sera ensuite filtrée et après s'être reposée sera prête à la consommation.
Au moulin de Monésargues, il faut 6 à 7 kg d'olives pour obtenir 1 litre de cette belle huile fruitée dont se délectent les connaisseurs.
Un vrai régal !!!!
La relève.
Suite à la disparition prématurée en 2011 de M. Aimé Masse, c’est son fils Jérôme Masse qui assure depuis, la bonne marche du moulin de Monésargues qui vient de clôturer la saison ce jeudi 16 février 2012.
La récolte a été très bonne cette année.
La famille Masse a récolté sur le terroir familial et écrasé autour de 60 tonnes d’olives.
Jérôme Masse devant les 2 grosses meules du moulin.
Quelques chiffres :
Les quatre premiers pays producteurs d'olives, l'Espagne, l'Italie, la Grèce et la Turquie, assurent 80% de la production mondiale d'olives.
Les dix premiers sont tous situés dans la zone méditerranéenne, et assurent 95% de la production.
Source FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations).
Dans la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, bordant la méditerranée, la culture de l'olivier remonte au VIème siècle avant JC avec l'arrivée des Grecs (phocéens). Ils fondèrent Massillia (Marseille) et y introduirent la culture de l'olivier qui sera ensuite développée par l'empire romain.
En 1840, l'oléiculture française est estimée à près de 26 millions d'arbres, sur 168 000 hectares.
Après le gel catastrophique de 1956, ils ne représentent plus que 3,5 millions d'arbres, sur 20 000 hectares.
En France, les principales régions de production sont la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (61% de la production), le Languedoc-Roussillon (17%), la région Rhône-Alpes (12%) et la Corse (10%).
Depuis l'an 2000, la France produit en moyenne 4 200 tonnes d'huile par an.
Consommation 2,20 milliards de litres d'huile d'olive sont consommés dans le monde.
Consommation par an et par habitant pour la Grèce (19
litres), pour l'Italie (11
litres), pour l'Espagne (10 litres) et enfin pour la France
(0,5 litre).
Ses vertus culinaires et diététiques ne sont plus à démontrer, la Provence en terme de qualité elle est considérée comme une des régions produisant les meilleures huiles d'olives du monde.
Pour les amateurs et les cinéphiles :
Carte postale : Environs de FORCALQUIER - Cascade de Manessargues
Nevière, éditeur
Au sujet de celle-ci :
On pourra noter l'orthographe Manessargues qui est une erreur typographique de l'éditeur.
Sinon on trouvera les 2 appellations Monessargues et Monésargues.
Le moulin de Monésargues ou de la Cascade (comme on l'appelle aujourd'hui) a d'autres cordes à son arc :
Il a servi de cadre au tournage du film tiré du roman de Pierre Magnan, écrivain français né en 1922 à Manosque (04) : "La maison assassinée" (écrit en 1984).
Le film fut réalisé par le cinéaste français Georges Lautner (en 1988).
À partir du 12 janvier 2010 et dans le même ordre d'idée, le pont qui enjambe la rivière du Lauzon (dont l'eau alimente le moulin de Monésargues) et qui permet l'accès au moulin servira à la chaîne de télévision FRANCE 3 au tournage du film tiré du roman de Pierre Magnan : "Le Sang des Astrides" (écrit en 1976) où Victor Lanoux jouera le rôle du Commissaire La Violette.
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Le Moulin de la Cascade.
Le Moulin de la Cascade
Route de Sigonce
Campagne Le Lauzon 04700 Lurs
https://www.moulin-cascade-huile.com/index.php
"Le Moulin de la
Cascade est producteur et fabricant d’huile d’olive biologique.
C'est depuis 1674 que ce lieu transforme les olives en or.
Notre site Internet a été créé pour répondre à la demande grandissante de vente en ligne d’huile d’olive biologique.
Notre huile d’olive est fabriquée de manière traditionnelle, elle n’est pas centrifugée ce qui permet de garder toutes les saveurs et les bienfaits naturels que nous apportent les olives.
À l’opposé des huiles ardentes son goût est fruité et doux.
Laissez-vous tenter...!"
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Remerciements aux familles Aimé et Jérôme Masse pour l'aide apportée à la réalisation de cet article.
(Explications, photos, renseignements divers...)
Émile Portigliatti
De la récolte des olives ... à l'huile.
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