Sigonce ... Qui n'a pas connu en son temps Nikita Mikalenko ?
Mikalenko, comme l'appelaient familièrement les habitants, était arrivé à Sigonce après avoir fuit le régime soviétique. Russe blanc
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Russes_blancs), capitaine dans l'armée russe, il avait abouti par hasard dans notre commune où il avait été très bien accueilli.
Au départ, il avait loué la maison annexe de Madame Adèle Espinelly, (aujourd'hui maison Ghislaine Garcin) où il y est resté quelques années. Puis, suite à un différent avec la propriétaire il avait quitté ce lieu. Tout de suite après, il avait trouvé une espèce de remise-cave sise rue de l'Aviasse (sur la gauche dans descente de la grande fontaine vers l'ancienne mine de lignite) qui appartenait à l'époque à M. Germain Sube, (aujourd'hui maison Lazar Tanaskovic).
Il s'y est installé, lui et ses nombreux chats qu'il affectionnait. Travaillant à la mine de charbon toute proche où il était lanceur de wagonnets qui partaient en direction de la gare de
Lurs, Mikalenko menait sa petite vie tranquille dans le village où il se sentait bien.
Il parlait souvent de "Madame Berline", qui devait être une de ses amies, qui s'était enfuie elle aussi pour Berlin. De temps à autre il nous montrait sa photo qui tenait une place privilégiée sur une de ses étagères.
Avec ses bottes, prêt à arpenter le terrain... |
Maison de Nikita Mikalenko dans les années 1950. |
En plus de son travail quotidien, il avait 2 passions :
la pêche et la cueillette des champignons.
Pour la pêche son attirail était tout simple : une canne en bambou qu'il s'était procurée à la ferme du Lan ou sur la colline de Plan. Il y en avait à profusion à l'époque. Il y attachait un fil qui était une espèce de fine ficelle et au bout il accrochait une épingle de sûreté recourbée en guise d'hameçon.
Vous le croyez ou non mais Mikalenko ne revenait jamais bredouille de sa sortie en rivière, au torrent de Barlière ou un peu plus loin à la rivière du Lauzon. Ses bottes qu'il avait du travail lui servaient aussi pour traverser la rivière ou rester debout dans le cours d'eau si nécessaire.
Quand la période des champignons arrivait, il partait à pied vers la campagne "La Chapelle", route de Forcalquier, avec son cageot qu'il maintenait sur sa hanche grâce à une cordelette accrochée à son épaule. Il ne s'embarrassait pas de principes pour chercher dans la colline : sanguins, oronges, baveux etc. … Il patrouillait dans le bois en bordure de route et ramassait tout ce qu'il trouvait.
En une petite demie heure il avait rempli son cageot et revenait tranquillement au bercail. Le plus long était la préparation et la cuisson. Il disposait d'une énorme poêle, type paella actuelle. Après les avoir nettoyés, il coupait tous ces champignons de toutes espèces en morceaux, ajoutait du petit salé, des saucisses et un petit peu de matière grasse qu'il avait sous la main. Quand tout était prêt, il disposait au sein des ingrédients une grosse clef rouillée en fer qui parait-il absorbait le venin des champignons !
Il faisait cuire à petit feu pendant un certain temps ... ? Cela se passait dans la rue descendante. Il avait aménagé l'espace nécessaire en bordure de rue face à son entrée, rue qui n'était pas goudronnée à l'époque. Il avait posé 2 grosses pierres pour maintenir la grosse poêle sous laquelle se trouvait déjà le bois et surveillait et le foyer et la cuisson. Le tour était joué et le repas était enfin prêt ! On pouvait passer à table. Il s'asseyait à même la rue autour de la poêle et se servait directement sans complexes. Il avait bien sûr invité ses chats qui profitaient en même temps que lui de ce repas exceptionnel..
Mikalenko n'a jamais été malade et ne s'est jamais empoisonné.
Devant sa maison, avec un de ses chats, Mikalenko tout sourire vient de mettre la table.
Pour garder la forme et sûrement le moral il faisait de plus en plus des repas bien arrosés.
Habitant pas loin de la fontaine et près du centre du village, il recevait souvent de la visite qui se tenait sur le seuil, par manque de place, lui apportant quelques denrées pour améliorer son quotidien. Ce n'était pas faire l'aumône mais simplement rendre service à une personne estimée du village.
Au fil du temps, ses forces et sa vigueur l'ont de plus en plus abandonné. Vu son état, le maire de l'époque :
M. Oblé Maurel l'a fait hospitaliser à Forcalquier où nous allions de temps
en temps lui rendre visite, ce qui lui faisait un grand plaisir de parler de
Sigonce. Il y est resté jusqu'à la fin de ses jours. Il s'est éteint à l'âge de 80 ans.
C'était vraiment une figure du village qui nous quittait !!!
Émile Portigliatti
Qui n'a pas connu en son temps Nikita Mikalenko ?
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