Sigonce 04 commémorations

 

Sigonce ... 70ème anniversaire de la tragédie des Rousses.


Ce 8 juillet 2014 était une date à graver dans la pierre, e
n effet, il y a 70 ans : 

Grâce à l'initiative de Madame Mireille Bégliomini, présidente du Souvenir Français de Forcalquier et à l'adhésion immédiate de la municipalité de Sigonce, c'est chose faite aujourd'hui : une stèle a été commandée, à l'entreprise Fassino de Forcalquier, et a été mise en place par les employés de la mairie sur les lieux mêmes de la tragédie.

 

Le 8 juillet 2014 à 18h30, ce sont environ 120 personnes qui se sont rendues aux Rousses, dans la colline, pour rendre un hommage mérité à ces soldats de l'ombre qui ont donné leur vie pour participer à la libération de "leur Pays" : La France.

 

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Une dizaine de véhicules 4x4 a fait le va et vient pour emmener toutes ces personnes depuis la place de la mairie ou de la ferme Pré Giraud jusqu'aux ruines de la ferme des Rousses.

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De gauche à droite :


M. André Dominguez clairon de l'Echo Forcalquiéren.
Puis les 7 porte-drapeaux :
M. André Chiapella porte-drapeau de Sigonce
(90 ans),
M. Jérémy Brockert porte-drapeau du Souvenir Français
(15 ans),
M. René Clément,
M. Alain Laugier,
M. Noël Bernard,
M. Albert Genin,
M. François Galindo.

La cérémonie commémorative a débuté par le chant des partisans qui résonnait dans la campagne environnante, que tous ont écouté avec un recueillement exemplaire.

M. le maire et les familles se sont approchés de la stèle, c'est Mme Yolène Emblard qui a enlevé le voile bleu blanc rouge qui la recouvrait.

 

Ce fut un moment d'émotion car les noms apparaissaient gravés sur la plaque :

 

Le 8 Juillet 1944,

La ferme des Rousses

est attaquée par les Nazis.

Lors de l'assaut

  • EMBLARD Irène

     

  • GEORGES Lucien

     

  • NOWAK worajeick

     

  • SAÏD Ali

Furent tués.

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Stèle à la mémoire des victimes.

 

Une gerbe a été déposée au pied de la stèle par M. le maire accompagné de Mme Mireille Bégliomini (Présidente du Souvenir Français Forcalquier) et Mme Françoise Deville (conseillère municipale).


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M. le maire, Mmes Mireille Bégliomini et Françoise Deville.

 

Un magnifique bouquet de roses a également été déposé par la famille Georges.


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La famille Georges. Au second plan à gauche, à côté du maire, on peut voir M. Jean-René Giani, président de la FNACA
(fédération nationale des anciens combattants en Algérie), donneur d'ordres aux porte-drapeaux. 

Le premier discours a été prononcé par M. le maire.

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Mesdames, Messieurs
Si nous sommes réunis aujourd'hui, nous le devons au Souvenir Français. 
Quand Mireille et Henri Bégliomini sont venus nous proposer la mise en place de cette stèle, nous avons immédiatement adhéré à ce projet.
C'est un devoir de mémoire. Les générations futures doivent se souvenir de ce qui s'est passé ici et aussi ailleurs.
Le village de Sigonce fut un lieu de résistance et il en a payé un lourd tribut. Ils ont donné leur vie pour notre liberté. Il était donc normal de leur rendre hommage. Ces hommes et ces femmes ont vécu la guerre avec toutes les horreurs qu'elle engendre. Nous, nous avons eu la chance de ne pas l'avoir connue. Alors faisons en sorte que cela continue. 
Bannissons la haine et favorisons la tolérance.

Le maire de Sigonce, Christian Chiapella.


C'est ensuite M. Jeannot Caciagli qui a pris la parole pour retracer ce que fut cette triste journée du 8 juillet 1944.

 

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Jeannot Caciagli, 17 ans à l'époque, retrace cette triste journée du 8 juillet 1944.

Mesdames, Messieurs
En ce 70ème anniversaire de la tragédie des Rousses, c'est un très grand honneur pour moi d'être ici aujourd'hui, mais en même temps une très grande tristesse m'envahit car de nombreux souvenirs défilent dans mon esprit. 

 

J'étais jeune car j'avais 17 ans à l'époque de la tragédie mais ma visite aux Rousses était quasiment quotidienne. Je cumulais 2 fonctions : je travaillais à la mine depuis l'âge de 14 ans et j'étais en même temps agent de liaison au sein du maquis de Sigonce sous les ordres de Messieurs Rostagne, Schneider (alias Georges) et Beniacar Maurice et agent des Rousses en particulier. Ce jour là, je n'étais pas présent sur les lieux du drame car je travaillais le matin. J'aurais pu être aussi parmi les victimes car il m'arrivait de faire une liaison en matinée. M. Jean Bayon, directeur de la mine à l'époque connaissait mon rôle au sein du maquis, et m'autorisait sans problème de m'absenter à ma convenance pour les besoins de la cause.

 

Je peux relater en toute certitude ce qui s'est produit le 8 juillet 1944 car 2 des rescapés se sont retrouvés à mes côtés peu après le drame au remblai de la mine où je travaillais avec messieurs Jean Lovera et Denis Moullet.
L'un était blessé à l'épaule : Bertin Bernier et l'autre était indemne : Gaby Molinari.
J'ai accompagné le blessé auprès de M. Alfred Piozin qui est allé le soigner dans la galerie 24 de la mine, galerie qui ressort au bas du terrain communal : le grand jardin. Je pense être aujourd'hui le seul survivant de ce maquis des Rousses malgré mes 88 ans.

 

La ferme des Rousses était gérée par la famille Emblard, lieu très animé à cette époque où il y avait un va et vient permanent à cause des maquisards qui s'affairaient dans le secteur par des actes de sabotage : exemple : destruction de pylônes transporteurs vers la gare de Lurs et destruction aussi du compresseur de la mine. Cela avait pour but de ralentir la production de livraison de charbon aux usines de St Auban et la centrale électrique de Ste Tulle qui profitait à l'époque aux allemands. Ils ont participé aussi à des opérations de parachutage opérées dans le secteur et annoncées par la radio par le code : " quand reviendra le temps des cerises ".

 

Le 8 juillet 1944, de très bonne heure, les allemands ont pratiquement encerclé Sigonce. À 7h30, trois colonnes ennemies soit environ 200 hommes (allemands et miliciens et arrivant de trois endroits différents) ont investi la ferme des Rousses. Le détachement qui est passé par Sigonce a été quelque peu retardé par l'interpellation de Paul Sube, Robert Théric (qui logeait chez le boulanger), Paul Audibert qui se rendait à son écurie à la Bambou, les frères Julien et Victor Espinelly qui se rendaient de bon matin à leur garage de mécanique générale qui se tenait alors sur la place du village, Alfred Palla et Ughetto Gaudenzio qui se rendaient à la mine. Pour les premiers nommés  ils ont été rassemblés devant l'ancienne remise Alpin et pour les 2 derniers devant l'ancien garage à taxi Espinelly. Les allemands pensaient que Paul Sube, boulanger du village ravitaillait le maquis en pain, ce qui était vrai. Lui seul a été retenu et prié de se joindre aux militaires qui vont se diriger vers les Rousses.

 

Pour en revenir à l'attaque : un des maquisards, conducteur de la Citroën rouge de M. Émile Boursier (directeur de l'usine à chaux) qui était entrain de nettoyer la voiture voit Saïd Ali, un maquisard noir qui se dirigeait vers le puits, se mettre à relever et baisser les bras comme s'il priait (du fait qu'il était musulman). Molinari réagit car il voit aussitôt un casque ennemi. Ne perdant son sang froid, il met la voiture en route, prévient rapidement ses collègues au passage : 3 seulement sautent dans la voiture : Bernier Bertin, Bayard de La Motte du Caire, Garot dit l'Inquiet de la Drôme. Lorsqu'ils démarrent la mitrailleuse allemande installée au Nord les arrose copieusement. Ils réussissent tout de même à aller jusqu'à la rivière du Lauzon malgré un réservoir d' essence percé. Cette panne leur a été bénéfique car elle leur a permis de ne pas rencontrer le détachement allemand qui arrivait de Sigonce et qui empruntait ce même et unique chemin carrossable. Ce jour là, la chance était avec eux. Ils abandonnent le véhicule et se dispersent dans les bois environnants.

 

Du fait qu'ils ont été découverts, les allemands continuent à tirer. Entre temps Lucien Georges a vite installé la mitrailleuse sur le tas de fumier qui se trouvait devant l'écurie, mitrailleuse alimentée par le jeune Jeanot Emblard. Irène Emblard a été abattue d'une rafale de mitrailleuse ainsi que la vache qu'elle ramenait, Worajeick fut abattu alors qu'il essayait de s'enfuir vers Aris, et Lucien Georges a été abattu d'une balle en plein front. Alors qu'il se manifestait par ses gestes Saïd Ali avait été le premier assassiné silencieusement par baïonnette par l'ennemi qui ne souhaitait pas qu'on découvre sa présence.

 

Le 8 juillet 1944 à 20h je suis retourné seul aux Rousses où j'ai découvert tous les corps qui étaient encore là. Par ordre du maire, Ils ont été récupérés le lendemain par Victor et Julien Espinelly, André Chiapella et Paul Curnier.

 

Se retrouvant finalement seul après que Lucien Georges ait été abattu, le jeune Emblard réagit à nouveau en voulant faire sauter le dépôt de munitions mais il est capturé par les nazis qui n'en croient pas leurs yeux en voyant la jeunesse du résistant. Il est remis par les autorités allemandes à M. Oblé Maurel, maire de la commune à cette époque.

En 1945, Jeannot Emblard fut décoré à 14 ans de la croix de guerre et de la médaille militaire avec étoile de bronze. Il devenait ainsi le plus jeune médaillé de France et de la résistance.

 

En ce 70ème anniversaire de cette tragédie j'ai une pensée émue pour tous ces soldats de l'ombre que j'ai bien connu, qui ont sacrifié leur vie pour lutter contre l'envahisseur et pour défendre leur patrie afin que les générations suivantes puissent vivre libres.
Ma pensée va aussi vers Jeannot Emblard que j'ai bien connu à l'époque, qui lutta jusqu'au bout malgré son jeune âge, comme un vrai résistant. Il nous a quittés le 4 mai 1999.

M. Caciagli Curzio Jean (Jeannot).

 

À son tour, Mme Emilienne Garcia née Espinelly a évoqué le souvenir de cette même journée qu'elle a vécu alors qu'elle avait à peine 10 ans.

(Elle n'a pas souhaité que son discours soit publié dans ces lignes).

Enfin Mireille Begliomini a conclus la présentation en rappelant que Jeannot Emblard fut le plus jeune résistant médaillé de France.

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Mireille Bégliomini, présidente du Souvenir Français pendant son allocution.

Le 8 juillet 1944 vers 6 heures 30, la ferme des Rousses est attaquée par trois colonnes nazies.
Quatre résistants restent sur le terrain : Saïd Ali un Algérien qui gardait le dépôt d'armes, M. Nowak Worajeick, Mme Emblard Irène et M. Georges Lucien. Tous les quatre furent tués lors de l'assaut. Les autres maquisards avaient réussi une percée des lignes adverses et s'étaient égaillés dans les bois.
Seul un jeune garçon de 12 ans et demi, Jean Emblard né le 03 novembre 1931, fils des fermiers, tient en respect les Nazis jusqu'à épuisement des munitions.
Quand seul, survivant de cette attaque, ce jeune homme sort, pour se rendre, ceux-ci n'en crurent pas leurs yeux. 
Jean Emblard ne fut pas exécuté et l'officier nazi l'a remis au Maire de la commune de Sigonce.

        Une citation à l'ordre de la brigade lui fut attribuée :
" Jeune garçon qui s'est trouvé avec un groupe de maquisards attaqué le 8 juillet au camp des Rousses. A assuré le ravitaillement de la mitrailleuse puis lorsque tous les défenseurs furent tombés, s'est lui-même mis à la pièce et a tiré jusqu'à épuisement des munitions permettant ainsi de tenir l'assaillant en respect pendant deux heures. Modèle d'audace, d'initiative et de courage. Capturé après le combat a obtenu la liberté et la vie sauve grâce à son jeune âge et à son mérite qui lui ont valu l'admiration et les félicitations d'un officier ennemi.
La présente citation comporte attribution de la croix de guerre 39/45 avec étoile de Bronze. "
Signé le Général Michel Malaguti Commandant la 15ème région militaire.

Le Souvenir Français remercie vivement Monsieur Christian Chiapella Maire de Sigonce, son Conseil et ses employés municipaux pour toute l'aide, leur soutien et leur motivation apportés à l'occasion de cette manifestation ainsi qu'à la dépose d'une stèle en commun, en la mémoire des résistants morts pour la France à la Ferme des Rousses.


Remerciements :
Aux autorités civiles et militaires, aux présidentes et présidents d'associations, aux familles " Georges " et " Emblard " ici présentes.
Sans oublier les personnes qui ont contribué à cette cérémonie, ainsi qu'aux valeureux porte-drapeaux et clairon de l'Echo Forcalquiéren, bien entendu les Sigonçoises et Sigonçois, tout particulièrement M. Pellegrin Alexis propriétaire du terrain, et les personnes présentes.

Mme Mireille Begliomini.

 

De son côté, M. Joseph Georges, frère de M. Lucien Georges qui a été abattu aux Rousses avait préparé quelques lignes. Le lieu, l'ambiance, l'émotion lui ont empêché de lire ce petit discours qu'il a remis à M. le maire après la cérémonie, discours que nous publions aujourd'hui, ci-après.

Bonjour Mesdames, Messieurs,
Ma famille se joint à moi pour vous remercier de votre présence en ces lieux.
Nous ne trouvons pas de mots assez forts pour remercier Monsieur le Maire, ici présent, ses adjoints, et les personnes ayant participé à la réalisation de cette stèle en hommage à ceux qui ont donné leur vie afin que nous puissions être ici ce jour pour les remercier. 
Cette stèle prouve bien que le temps passe et que le souvenir reste.
Nous remercions une nouvelle fois Monsieur le Maire de nous avoir permis d'assister à cette inauguration qui nous touche profondément. 
Nous vous en remercions tous.
M. Joseph Georges.

M. André Dominguez, clairon de l'écho forcalquiéren, a clôturé la cérémonie. Enfin " la Marseillaise " que beaucoup ont entonné a résonné dans la campagne…

Ce fut une très belle cérémonie dominée par l'émotion, la dignité et le recueillement.


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Un moment de recueillement devant la stèle.


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Les familles Emblard et Georges en compagnie de Jeannot Caciagli.

Merci à M. Alexis Pellegrin, propriétaire du terrain et de la ruine des Rousses, d'avoir accepté la mise en place de cette stèle sur le lieu de la tragédie ainsi que la venue de nombreuses personnes sur ce site qui devient depuis ce jour un lieu du souvenir et de la mémoire.

À l'issue de la cérémonie, le verre du Souvenir a été offert par la municipalité au café de La Mine.

Sigonce, le 8 juillet 2014.

 

Émile Portigliatti

70ème anniversaire de la tragédie des Rousses.

 Commémorations

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